LE PARFUM,
UN MÉLANGE CHIMIQUE D’ARÔMES
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Les parfums et les arômes ont accompagné la vie de l’homme dans toutes les civilisations, et on retrouve des traces partout, souvent en relation avec la médecine et la religion. L’usage a été tellement important que les personnes pratiquant ces métiers ont bénéficié de situations et de privilèges importants, comme en France auprès des cours royales.
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Les sources naturelles sont soit végétales (les plus importantes), soit animales (de plus en plus abandonnées aujourd’hui). Il est à noter que le pétrole est une source naturelle mais que son emploi n’est pas,
à ma connaissance, direct, mais qu’il sert de base à l’industrie de transformation. Les sources végétales sont utilisées sans transformation dans certains cas, par exemple lavande ou bois de santal, mais subissent dans la très grande majorité des cas des extractions pour avoir une odeur nettement plus concentrée et plus facilement utilisable.
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Une fois les fleurs et plantes cueillies, il faut extraire les matières premières naturelles des transformations pour isoler les molécules. L'objectif est d'obtenir une « essence ».
Il existe plusieurs procédés d'extraction des parfums :
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l'enfleurage ;
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la distillation ;
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l'expression ;
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l'extraction par solvants ;
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l'extraction au CO2 supercritique.
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L'enfleurage
Utilisé dès l'Antiquité, l'enfleurage est aujourd'hui délaissé car trop cher. Ce procédé ne se pratique plus que pour quelques
fleurs très fragiles comme le jasmin, la rose et la fleur d'oranger.
À froid, les pétales sont étalés sur des châssis enduits de graisses inodores qui absorbent l'arôme; les fleurs sont renouvelées de manière à obtenir 1 kilo de matière grasse saturée par 3 kilos de fleurs. L'opération est longue. La graisse est placée
dans une batteuse avec de l'alcool. Cet alcool entraîne le parfum et l'on obtient, après filtrage, de l'absolue.
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La distillation
La distillation consiste à séparer les éléments constituants d'un solide ou d'unliquide grâce à la chaleur et à les recueillir à l'état gazeux pour les
recondenser mais séparément.
Les matières premières sont placées dans un alambic avec de l'eau à ébullition. La vapeur produite transporte les matières odorantes et, une fois refroidie, cette vapeur, transformée en eau parfumée, s'écoule dans un récipient destiné aux huiles essentielles. L'eau se sépare facilement de l'huile essentielle par densité.
On peut pratiquer une distillation fractionnée. Elle présente l'avantage d'augmenter l'odeur, la puissance, la finesse et la solubilité: on sépare les terpènes des huiles essentielles.
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L'expression, pour les agrumes
L'expression est une technique réservée aux agrumes pour en extraire l'essence des zestes. On presse les fruits à froid pour obtenir un mélange d'huile essentielle et de jus, puis on sépare par centrifugation.
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L'extraction par solvants
L'extraction par solvants est un procédé qui permet, dès 1870, de séparer les huiles essentielles grâce à l'utilisation de solvants: hexane, éther de pétrole ou benzène; ces solvants s'éliminent par évaporation. Les huiles essentielles sont ensuite distillées.
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L'extraction au CO2 supercritique
Technique d'abord utilisée pour le café, l'extraction au CO2 supercritique remplace le solvant par du gaz carbonique sous pression dans un état dit «supercritique ». Cette méthode permet d'extraire des parties lipidiques des végétaux. L'extraction au CO2 supercritique s'adapte aux plantes fragiles (faible température). Les extraits obtenus, dépourvus de solvants, sont des produits naturels.
Volatilité des constituants et odorat
Les constituants présentent une différence de volatilité. Une odeur est une émanation transmise par un fluide et perçue par l’appareil olfactif. Il existe sept odeurs primaires qui correspondent aux sept types de récepteurs sensoriels situés sur les cils des cellules olfactives. Des substances ayant des odeurs semblables ont des molécules de forme similaire. La forme d’une molécule détermine la nature de son odeur. Ces molécules se fixent sur les récepteurs. Une même molécule peut se fixer sur plusieurs sites si elle possède la " clé " de récepteurs différents.
Parfum, eau de toilette, eau fraîche et eau de Cologne : quelle différence ?
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Additionné à de l'alcool de degré variable, le taux de concentré détermine laténacité du parfum et son prix :
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L'extrait de parfum renferme jusqu'à 40 % de concentré dans un alcool à 96°.
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L'eau de parfum contient entre 12 et 15 % de concentré dans un alcool à 90°.
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L'eau de toilette comprend 8 à 12 % de concentré dans un alcool à 85°.
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L'eau fraîche, une concentration de 5 % dans un alcool à 70°.
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L'eau de Cologne, une concentration entre 2 et 5 % dans un alcool allant de 60 à 90°.
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Les sept odeurs primaires: camphrée, musquée, florale, mentholée, éthérée, piquante, putride.
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Les parfumeurs définissent trois "notes" caractéristiques d’un parfum
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Chaque parfum créé correspond à une architecture de base, composée d'une note de tête, d'une note de coeur et d'une note de fond .
La note de tête, composée des essences les plus légères, les plus volatiles, s'exprime en premier, de manière intense et éphémère (elle persiste entre quelques minutes et 2h): elle correspond en général à des senteurs fraîches, vives, comme celles d'agrumes (on parle de notes hespéridées), de menthe, de verveine, d'eucalyptus, de lavande, d'anis, de bois de rose...
La note de coeur, moins intense que la note de tête, dure cependant plus longtemps, entre 2 et 10h. Séduisante, elle est souvent composée de notes florales
ou épicées: cardamome, clou de girofle, galbanum, lavande et lavandin, rose, jasmin, sauge sclarée, noix de muscade, bois de rose, géranium, galbanum, coriandre, anis...
La note de fond, quant à elle, composée des molécules odorantes les plus lourdes, tarde à s'exprimer mais persiste très longtemps, notamment dans les cheveux ou sur un vêtement (entre 8h et plusieurs mois !). Composée de notes boisées, vanillées, musquées ou ambrées, c'est elle qui donne sa personnalité au parfum et fait que l'on s'y attache; c'est aussi elle qui lie un parfum à un souvenir (cela fonctionne pour notre propre parfum, auquel on peut rester fidèle durant des années, mais aussi, voire surtout, pour celui des autres: réminiscence de l'odeur du savon parfumé d'une grand-mère, eau de toilette d'un père ou d'une mère, parfum porté par l'être aimé...). Amyris, cèdre, benjoin, gaïac, vanille, ciste à gomme, fève tonka, encens, santal: autant de senteurs qui donnent ainsi une profondeur au parfum.
Une révolution dans l’industrie de la parfumerie:
De gauche à droite : Friedrich Whöler, Jean-Baptiste Dumas, Eugène-Melchior Peligot et GustafKomppa
L’arrivée des molécules de synthèse
Jusqu’au début du 19ème siècle, les chimistes pensaient que les composés des organismes vivants étaient trop complexes pour être synthétisés. Ils appelèrent ces composés « organiques » et continuèrent à les ignorer. Ce n’est qu’en 1828 que le chimiste allemand Friedrich Whöler synthétisa pour la première fois l’urée, substance qui existe naturellement dans l’urine. Depuis ce jour, l’essor de la chimie organique commença et les découvertes se multiplièrent. En 1833, les chimistes français Jean-Baptiste Dumas et Eugène-Melchior Peligot créèrent le premier composant synthétique: l'aldéhyde cinnamique correspondant à l’odeur de cannelle. Dès le début du 20ème siècle, les chimistes découvrirent la synthèse totale, processus par lequel est fabriquée une nouvelle molécule dans sa totalité. En 1907, la synthèse totale fut commercialisée pour la première fois par le chimiste finlandais Gustaf Komppa avec le camphre. La chimie de synthèse était née.
Composition et fonctions chimiques des parfums
Les parfums contiennent des composés odorants naturels ou synthétiques (10 à 20%) et un solvant volatile (80 à 90%), comme l'éthanol par exemple.
Les différentes structures des molécules odoriférantes
Les composés odorants peuvent être classés selon la principale fonction qu’ils possèdent; comme:
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les hydrocarbures ou essences, surtout, des alcènes (ex: limonène)
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les alcools, dont les chaînes carbonées comportent huit à douze carbones (ex: le menthol ou autre que l’on trouve dans les fleurs)
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les phénols, composés dans lesquels le groupe hydroxyle-OH est porté par un atome de carbone trigonal (ex: le thymol pour le thym, l'eugénol pour le clou de girofle)
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Les aldéhydes, bien qu’existant aussi à l’état naturel, sont des molécules synthétiques qui apportent une note légèrement métallique, grasse et chaude et
donnent de l’envolée et de la puissance aux compositions florales, comme le fameux Chanel N°5. (ex: la vanilline à l’odeur de vanille, le citral de la citronnelle);
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les esters, composés oxygénés présents dans presque toutes les huiles d’origine végétale et ils ont souvent une odeur agréable et sont beaucoup utilisés pour les arômes synthétiques en parfumerie (ex: acétate de linalyle de la lavande).
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les cétones comme irone de l’iris, la civétone à l’odeur de musc
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À titre d’illustration voici la liste des composés volatils responsables de l’odeur de la tige et de la feuille de tomate qui ont été identifiés; et il peut y en avoir d’autres qui n’ont pas encore été identifiés et répertoriés. Cet extrait est très peu utilisé en parfumerie mais reste un bon exemple de la complexité chimique des essences contenues dans les plantes.
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Hydrocarbures: α−p-diméthylstyrène, allo-aromadendrène, heptadécadiène-3,6,9 (T), α-terpinène, aromadendrène, limonène, β-ocimène cis, β-farnésènetrans, para-cymène, toluène, allo-ocimène, héthylbenzène, α-pinène, méta-xylène β-pinène, n-décane para-xylène, caryophyllène, n-undécane 1-butylbenzène, humulène.
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Alcools: (Z)-hexène-3 o1-1, alcool benzylique, nérolidol, (E)-hexène-2 o1-1 linalol.
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Composes carbonyles: Hexahydrofarnésylacétone, farnésylacétone (mélange d’isomères), n–hexanal, furfural, (E)-hexène-2 al, nonadiène-2,4 al (T), métyle-6 heptène-5 one-2, décadiène-2,4 al (T), octanone-2, carvone, benzaldéhyde.
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Esters: acétate de n-hexyle, salicylate de méthyle, n-hexanoate d’éthyle, acétate de (E)-hexène-2 yle, anthranilate de méthyle, n-heptanoate d’éthyle, acétate de (Z)-hexène-3 yle, cuminate de méthyle, n-octanoate d’éthyle, propionate de (Z)-hexène-3 yle, hexanoate de méthyle, n-nonanoate d’éthyle.
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Lactones: γ-butyrolactone, γ–nonalactone, dihydrocoumarine, γ-valrolactone, γ–dcalactone, coumarine, γ-hexalactone, γ-undécalactone, spiroxabovolide.
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Acides: actétique, n–heptanoïque, benzoïque propionique, n-octanoïque salicylique, isobutyrique, n-nonanoïque cinnamique, n–butyrique, n-décanoïque stéarique, métyle-2 butyrique, n -dodécanoïque (laurique) oléique.
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Ethers: n-pentyle-2 furanne, théaspinanes (deux isomères), vératrole, n-octyl-2 furanne, oxyde de rose trans, méthyleugénol.
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Phenols: phénol, méthuxy-2 phénol, thymol, ortho-crésol, vinyl-4 méthoxy-2 phénol, eugénol, para-crésol, carvacrol.
Une molécule odoriférante est une clef pour nos récepteurs olfactifs sensibles à sa forme dans l’espace. C’est pour cela que l’énantiomére d’une molécule n’a pas la même odeur que la molécule initiale comme la menthe et le cumin.
L'odeur de certaines molécules, comme la limonène, dépend de leur structure spatiale.
Le rêve de tout chimiste parfumeur serait de trouver une relation entre la structure chimique d’un composé et son odeur. Des publications font état d’études dans ce domaine; les résultats obtenus sur les variations dans une famille limitée ne sont
pas généralisables. Car une vraie relation structure – odeur doit fonctionner dans les deux sens: il faut pouvoir prédire la nature de l’odeur d’une molécule donnée mais aussi l’inverse de façon à avoir une relation objective, ce qui n’est pas encore le cas, loin s’en faut.